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La Cour suprême du Canada se prononce : une banque peut refuser de payer le bénéficiaire d’une lettre de crédit qui participe sciemment à la fraude d’un tiers

Dans Eurobank Ergasias S.A. c. Bombardier inc., 2024 CSC 11, la Cour suprême du Canada rappelle que la fraude est la seule exception reconnue en droit canadien opposable à l’obligation qui incombe à l’institution financière émettrice de payer le bénéficiaire sur réception d’une demande à cet effet. Elle précise les circonstances dans lesquelles le bénéficiaire d’une lettre de contre-garantie peut être considéré non « innocent » et se voir opposer l’exception de fraude. La Cour confirme par ailleurs l’importance des ordonnances prononcées par les tribunaux arbitraux, dans l’ordre juridique canadien, puisqu’elle conclut que le bénéficiaire qui aide un tiers à contourner une ordonnance arbitrale commet une fraude en droit québécois.

Contexte

En 1998, le ministère de la Défense de la Grèce (MDG) signe un contrat avec Bombardier, dont les obligations sont garanties par une lettre de crédit émanant d’une banque grecque, assujettie au droit grec. Une lettre de contre-garantie émanant d’une banque canadienne, assujettie au droit québécois, vise le remboursement des sommes payées par la banque grecque.

Dans le cadre d’un différend contractuel soumis à l’arbitrage selon les règles de la Chambre de commerce internationale (CCI), MDG s’engage à ne pas présenter de demande de paiement en vertu de la première lettre de crédit, pendant la procédure. Le tribunal arbitral émet une ordonnance provisoire interdisant à MDG de présenter une telle demande de paiement et la Cour supérieure du Québec prononce une ordonnance visant à assurer le respect de celle émise par le tribunal arbitral. Alors que ce dernier a annoncé que sa sentence finale sera émise quelques jours plus tard, MDG présente une demande de paiement, que la banque grecque choisit d’honorer en pleine connaissance des ordonnances arbitrale et judiciaire visant MDG. Elle réclame ensuite le remboursement de la somme versée, en vertu de la lettre de contre-garantie.

Au terme de la présente affaire, la Cour suprême du Canada confirme que la Banque Nationale du Canada, notre cliente, devait refuser d’honorer la demande de paiement faite au titre de la lettre de contre-garantie, par application de l’exception de fraude, puisqu’elle était au fait de la situation qui déclenchait cette exception.

Éclairage sur les lettres de crédit

La Cour suprême du Canada a contribué au développement du droit concernant les lettres de crédit à l’international, avec son arrêt phare Banque de NouvelleÉcosse c. Angelica‑Whitewear Ltd., [1987] 1 RCS 59.

Une question pouvait toutefois se poser au terme de cet arrêt. Alors qu’il était admis que l’exception de fraude ne s’applique pas à la fraude commise par un tiers à une lettre de crédit lorsque le bénéficiaire de la lettre est innocent de cette fraude, la Cour suprême avait pris soin de laisser place à la possibilité que le bénéficiaire ne soit pas « innocent » à l’égard de la conduite répréhensible du tiers et que cette conduite puisse déclencher l’exception de fraude.

L’arrêt Eurobank Ergasias S.A. c. Bombardier inc., 2024 CSC 11 clarifie la notion de bénéficiaire non « innocent », en l’appliquant au contexte où le tiers est partie à une lettre de garantie interdépendante d’une lettre de contre‑garantie. Dans le jugement majoritaire rédigé par l’Honorable Nicholas Kasirer, la Cour suprême conclut que l’institution financière garante n’est pas innocente de la fraude commise par un tiers et la fait sienne, lorsqu’elle accepte de payer le tiers en connaissance de cette fraude. Par conséquent, l’exception de fraude l’empêche d’obtenir un remboursement au terme de la lettre de contre-garantie.

Eric Bédard, Marie-Hélène Beaudoin et Arielle Reeves-Breton représentaient la Banque Nationale du Canada et ont collaboré étroitement avec les membres du contentieux de notre cliente pour l’obtention de ce résultat.

Sophie Melchers, Jérémy Boulanger-Bonnelly et Michel Sylvestre de Norton Rose Fulbright représentaient Bombardier inc.

Le jugement de la Cour suprême du Canada est disponible ici.

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