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Arrangement relatif à Bloom Lake, Cour d’appel du Québec, 22 décembre 2022, 500-09-029797-214 (500-11-048114-157)

Quelle est la nature des crédits de taxe sur les intrants et remboursements de taxe sur les intrants (« CTI ») sur des sommes versées à des créanciers à l’égard de réclamations en dommage en vertu de la Loi sur les arrangements avec des créanciers des compagnies (« LACC »), et peuvent-ils être compensés à l’encontre de sommes dues aux autorités fiscales ?

Résumé : La Cour d’appel du Québec confirme que les CTI découlant du versement de dividendes à l’égard de réclamations en dommages résultant de la résiliation de contrats en vertu de l’article 32 de la LACC sont des réclamations postérieures au dépôt de la demande et ne peuvent être compensés par les autorités fiscales avec leurs réclamations relatives à la taxe de vente antérieures au dépôt de la demande. La Cour d’appel du Québec limite aussi clairement la disponibilité d’une compensation pré-post en faveur des autorités fiscales à des circonstances exceptionnelles.

Le 27 janvier 2015 (« Date de dépôt »), la Cour supérieure du Québec a accordé une ordonnance initiale (« Ordonnance initiale Lac Bloom ») en faveur de Cliffs Québec Iron Mining ULC (« CQIM ») et d’autres sociétés affiliées (« Parties LACC Lac Bloom »), qui exploitaient la mine du Lac Bloom et les infrastructures connexes situées à Fermont, au Québec. FTI Consulting Canada Inc. a été nommé contrôleur (« Contrôleur ») des parties à la LACC du Lac Bloom et, par la suite, des parties communément appelées « Parties LACC Wabush » (collectivement avec les Parties LACC Lac Bloom, les « Parties LACC ») au moyen de l’ordonnance initiale du 20 mai 2015. Les procédures ont été entamées dès le départ dans le but de vendre les actifs des parties à la LACC pour en distribuer le produit à leurs créanciers dans le cadre d’un plan d’arrangement.

À la date de l’émission de l’Ordonnance initiale Lac Bloom, les opérations de la mine du Lac Bloom avaient été interrompues depuis plusieurs semaines, ce qui a amené CQIM à résilier certains contrats qui n’étaient plus requis auprès de quatre fournisseurs (« Créanciers de CQIM »), comme le permet l’article 32 de la LACC. Les Créanciers de CQIM ont ensuite déposé des preuves de réclamation pour les dommages qu’ils ont subis en conséquence de la résiliation de leurs contrats (« Réclamations de restructuration »), qui ont été acceptées par le Contrôleur. En vertu du paragraphe 32(7) de la LACC, les Réclamations de restructuration sont réputées être des réclamations prouvables. De fait, un plan d’arrangement et de compromis conjoint modifié et reformulé daté du 16 mai 2018 (tel que modifié de temps à autre, le « Plan ») a été sanctionné par la Cour le 29 juin 2018 et mis en œuvre le 31 juillet 2018.

En août 2018, le Contrôleur a commencé la première distribution intérimaire conformément au Plan (« Première distribution intérimaire»), y compris auprès des Créanciers de CQIM qui ont reçu des paiements de dommages partiels sur leurs Réclamations de restructuration (« Paiements de dommages »). Les articles 182 de la Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») et 318 de la Loi sur la taxe de vente du Québec (« LTVQ ») considèrent que les paiements de dommages comprennent la taxe sur les produits et services (« TPS ») et la taxe de vente du Québec (« TVQ »), et qu’ils constituent des fournitures taxables au sens de la LTA et de la LTVQ. Cela a permis à CQIM de réclamer environ 7,5 millions de dollars en CTI auprès de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») et de l’Agence du Revenu Québec (« RQ ») dans ses déclarations de taxe de vente pour la période de déclaration au cours de laquelle les paiements des dommages ont été effectués.

Le Contrôleur a accueilli les preuves de réclamation soumises par RQ (agissant en son propre nom et au nom de l’ARC) contre CQIM pour environ 13 millions de dollars en TPS et TVQ impayées sur des fournitures taxables que CQIM avait reçues avant la date de dépôt, le tout conformément au paragraphe 296(1) de la LTA et à l’article 25 de la Loi sur l’administration fiscale du Québec (« Réclamations 296 »). RQ a alors affirmé qu’il avait le droit d’effectuer compensation entre les CTI de Paiements des dommages et les Réclamations 296, puisqu’il s’agissait de réclamations antérieures au dépôt. Le Contrôleur et CQIM étaient en désaccord avec la caractérisation par RQ des CTI pour les Paiements des dommages comme une réclamation antérieure au dépôt, puisqu’ils sont survenus après la Date de dépôt, et ne pouvaient donc pas être compensés contre une réclamation antérieure à la Date du dépôt. Le Contrôleur a demandé des directives à la Cour pour déterminer si RQ avait le droit de compenser ces deux dettes.

En première instance, le juge chargé de la supervision de la restructuration a retenu la position du Contrôleur à l’effet que le libellé clair du paragraphe 182(1) de la LTA et de l’article 318 de la LTQ (collectivement, les “Dispositions fiscales”) était déterminant : le droit de CQIM de réclamer les CTI pour les Paiements de dommages n’a pris naissance qu’une fois les paiements partiels de dommages effectués au moyen de la première distribution intérimaire, puisque la TPS et la TVQ n’étaient réputées avoir été payées aux créanciers de CQIM qu’à ce moment-là. La Cour a également conclu que, compte tenu de leur nature postérieure au dépôt, les CTI relatifs aus Paiements des dommages ne pouvaient être compensés à l’encontre des Réclamations 296, dont les parties ont convenu qu’elles étaient de nature antérieure au dépôt.  Pour en arriver à cette conclusion, la Cour s’est appuyée sur la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Arrangement relatif à Métaux Kitco inc. 2017 QCCA 268, selon laquelle la compensation ne peut s’opérer entre les réclamations antérieures et postérieures au dépôt dans les procédures de la LACC.

Devant la Cour d’appel, RQ a soutenu que le juge de première instance avait commis une erreur en omettant de déterminer que les CTI résultant de Paiements des dommages constituaient une réclamation antérieure à la Date de dépôt et pouvait donc automatiquement être compensés à l’encontre des Réclamations 296. De plus, RQ a déclaré que même si les CTI résultant des Paiements de dommages constituaient une réclamation postérieure à la Date de dépôt, le juge de première instance n’avait pas exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 11 de la LACC pour permettre la compensation des réclamations ayant pris naissance avant et après la Date de dépôt.

La Cour d’appel a partagé la conclusion du juge de première instance selon laquelle le libellé des Dispositions fiscales tranchait la question, car leur libellé clair et simple ne laissait aucun doute quant au moment où les CTI de Paiements de dommages avaient pris naissance, mais seulement lorsque les Paiements de dommages ont été effectués et constituaient donc des réclamations postérieures au dépôt. Par conséquent, la Cour d’appel a conclu que les termes des Dispositions fiscales étaient suffisants pour disposer du premier motif d’appel. RQ a également tenté de qualifier les CTI relatifs aux Paiements des dommages de réclamations préalables au dépôt en raison de leur lien étroit avec les réclamations relatives à la restructuration et de leur nature préalable au dépôt en vertu des articles 19 et 32(7) de la LACC. 19 et 32(7) de la LACC.  Bien que les réclamations de restructuration soient des réclamations postérieures au dépôt réputées être des réclamations prouvables en vertu de l’article 32(7) de la LACC, la Cour d’appel a conclu qu’elles ne sont pas transformées pour autant en des réclamations antérieures au dépôt.

Finalement, la Cour d’appel s’est appuyée sur la récente décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Montréal (Ville) c. Deloitte Restructuring Inc. 2021 CSC 53 (rendue après le jugement de première instance) pour rejeter l’argument de RQ selon lequel le juge de première instance aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 11 de la LACC pour permettre la compensation entre des réclamations antérieures et postérieures au dépôt. Bien que la décision Deloitte permette exceptionnellement la compensation entre des réclamations antérieures et postérieures au dépôt dans certains cas exceptionnels, les circonstances actuelles ne le justifiaient pas. Permettre la compensation entre des réclamations antérieures et postérieures aurait élevé les Réclamations 296 non garanties au statut de créancier garanti aux dépens de l’ensemble des créanciers. Le simple fait d’invoquer que le recouvrement des impôts impayés est dans l’intérêt du public en général n’est pas une raison suffisante pour justifier la compensation entre des réclamations antérieures et postérieures à la demande des autorités fiscales, dont les créances sont, sauf exceptions limitées, des créances non garanties.

Par conséquent, la Cour d’appel a rejeté l’appel de RQ.

Juges : Robert M. Mainville, J.A., Sophie Lavallée, J.A. et Peter Kalichman, J.A.Avocats : Sylvain Rigaud, Bogdan-Alexandru Dobrota et Joshua Bouzaglou de Woods pour FTI à titre de contrôleur ; Bernard Boucher et Youssef Kabbaj de Blakes pour CQIM et les parties à la LACC ; Daniel Cantin et Jean-Claude Gaudette pour Revenu Québec et l’Agence du revenu du Canada ; Gerald Apostolatos de Langlois pour Québec North Shore & Labrador Railway Company et Iron Ore Company of Canada ; Andrew Hatnay de Koskie Minsky ainsi que Tina Silverstein, Nicolas Brochu et Mark Meland de Fishman Flanz Meland Paquin pour les employés salariés/non syndiqués et les retraités.

Jugement : https://mcusercontent.com/a3e2039936cbf8a31bda45ab3/files/985827eb-509c-5d2c-cec3-6d3353b0625b/Arret_final.pdf

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